Parmi toutes nos expériences en ornithologie et observation d’oiseaux, on a probablement chacun d’entre nous une ou quelques situations embarassantes. L’identification des oiseaux n’est pas une science facile, cela nécessite plusieurs années d’apprentissage sur le terrain, et nul n’est à l’abri des erreurs de débutant. J’ai déjà pris un merle d’Amérique, perché au loin dans un arbre, pour un rapace… J’en entends encore parler quelques années plus tard.
Promenade anodine
Tout a commencé la veille de l’incident, nous avions quelques achats à faire et nous avons décidé de se rendre à pied, en cette période de confinement c’est une des rares choses qu’on peut faire. Sur notre route nous passons près d’un terrain de golf, le site est semi-boisé et il y a quelques étangs qui sont visibles de la route. En bons ornithologues amateurs, nos yeux sont toujours à l’affut de possibles oiseaux à observer, surtout qu’en cette fin de journée, où le crépuscule débute, on entend un cardinal rouge chanter sa vie.
Sur l’étang, qui est assez loin, on aperçoit quelques taches foncées qui se promènent sur l’eau, mais sans nos jumelles et avec la lumière qui diminue, il est impossible d’identifier les oiseaux. Après quelques minutes à tenter de mieux voir, on se résigne à continuer notre chemin en se promettant de revenir le lendemain, en soirée, avec nos jumelles. D’ailleurs on se répète pour la millième fois qu’on ne devrait jamais sortir sans elles.
Promenade, prise deux
Le lendemain en début de soirée, on retourne à pieds au même endroit, on espère revoir les oiseaux que nous n’avons pu identifier la veille. En scrutant l’horizon sur le terrain de golf, on ne trouve pas ce qu’on cherche, mais par contre il y a deux bernaches du Canada qui nagent au loin. Puis soudain, un point blanc attire notre attention, mais il est trop loin pour distinguer les details, même avec les jumelles.
Le terrain de golf est fermé à cause de la pandémie du COVID-19, mais on peut longer le site en prenant une rue perpendiculaire. On s’approche le plus près possible, l’oiseau reste quand même loin mais on peut voir quelques détails. Il est tout blanc, on aperçoit une tache noire au-dessus du bec, l’oiseau nous fait dos donc il est difficile de voir des détails qui aideraient à l’identification. Le sujet est seul, il est immobile, figé, comme si il était effrayé, les bernaches passent à côté à un certain moment et il ne bouge pas.
Après quelques recherches, l’oiseau le plus près de la description qu’on en fait est un cygne tuberculé, ce qui est difficile à croire à cet endroit. D’autant plus que les bernaches semblent beaucoup plus grosses dans notre estimation, ce qui ne devrait pas être le cas, peut-être est-ce un juvénile, mais seul ici?
Mission : identification de l’oiseau
Vous êtes probablement comme nous, ne pas réussir à identifier de façon sûre un oiseau est un sentiment horrible, on ne peut pas laisser ça comme ça, on doit en avoir le coeur net. On sait qu’il y a deux entrées pour le terrain de golf, à des endroits opposés, par contre on a pas la certitude qu’elles sont ouvertes à cause de la pause du COVID-19. Mais en ayant cette réflexion, on voit des personnes marcher au loin dans le golf, donc il doit y avoir un moyen d’entrer.
Pour une raison inconnue, on décide de chercher l’entrée qui est le plus loin de nous. On rebrousse chemin d’un pas rapide, en jetant toujours un coup d’oeil pour voir si notre cygne est toujours là. Alors qu’on marche dans le chemin qui est à l’opposé d’où on était auparavant, il y a beaucoup de mouvement dans les arbres, on prend un peu de temps pour faire de l’observation. Un geai bleu, des juncos ardoisés, et un magnifique roitelet à couronne dorée se font voir, mais on ne peut pas s’éterniser, on continue notre route.
Après un certain temps à marcher, le doute s’installe, est-ce qu’il y a vraiment une entrée de ce côté-ci du golf, surtout qu’on est certain qu’il y en a une à l’autre côté, ou on était il y a 15 minutes. On a perdu de vue le cygne depuis un bout, la panique s’installe, on doit trouver un plan, et vite, on ne veut pas perdre l’oiseau. On décide donc de retourner à la maison, on s’était un peu rapproché de toute façon, chercher l’auto et se rendre à l’autre porte. D’un pas de course semi-assumé, eh oui on court pour un simple oiseau, on se rend à l’auto, ensuite on cherche l’entrée du golf, coup de chance la porte est ouverte.
Découverte fatidique
En voiture on a pu apercevoir l’oiseau toujours au même endroit, ce qui nous a rassuré, sans même nous mettre la puce à l’oreille pour ce qui va suivre. En entrant sur le terrain du golf, l’oiseau est hors de notre champs de vision, il est sur la bordure d’un étang, complètement à l’opposé de où nous sommes, on ne va le voir que lorsque nous serons à côté. Nous approchons du but, complètements épuisés de notre marche rapide et notre course à l’auto. On arrive un peut de côté, pas trop près, on ne veut pas effrayer l’oiseau et anéantir nos efforts, il est toujours là, on va enfin pouvoir l’identifier…
Et, comme vous l’avez deviné en voyant l’image de cet article, nous avons fait la découverte accablante que notre cygne tuberculé n’est en fait qu’un jouet égaré… À ce moment là, la seule chose qu’on peut faire c’est d’en rire, nous sommes épuisés, toute cette aventure à duré presque une heure et demie. Je prends une photo, on aura pas tout fait ces efforts pour rien, et on repart à la maison. En quittant le terrain du golf, on apreçoit les oiseaux sombres qui nous avaient mystifiés la veille, avec les jumelles on peut facilement identifier des canards colverts, un peu moins excitant qu’un cygne, mais bon c’est un bel oiseau quand même.
Une bonne leçon
Quelque fois il faut faire des erreurs pour apprendre, dans ce cas-ci l’excitation nous a un peu enlevé notre capacité à bien raisonner. Avec le recul, les indices étaient là, l’oiseau était immobile et, aux jumelles, je trouvais qu’il avait un drôle de façon de flotter sur l’eau, ça ne semblait pas naturel, comme si chaque vague le faisait vaciller. Je trouvais qu’il semblait figé de peur, je comprends pourquoi maintenant, difficile d’être plus figé que ça. On aura perdu une heure et demie à cause de cet oiseau jouet, mais ça fait finalement une bonne anecdote à raconter.